Sanaa Moussaid, comment passe-t-on de l’expertise comptable au conseil en transformation digitale ?

En fait, ce qui m’a toujours passionnée, c’est le monde des entreprises, comment elles contribuent à la croissance économique, leur stratégie… Initialement, j’étais partie pour passer un baccalauréat scientifique, mais après avoir goûté quelques cours d’éco et de compta, j’ai basculé en STT, avec l’idée de devenir expert-comptable. Pour moi, c’était surtout le moyen de devenir un bon chef d’entreprise.

Pendant que je rédigeais mon mémoire d’expertise comptable sur le thème de l’immobilier, j’ai été recrutée par un cabinet qui venait justement de racheter une grosse activité dans ce secteur. Je me suis chargée de structurer ce pôle, de mettre en place tous les outils, d’automatiser les process. Cette expérience a été très formatrice et m’a confortée dans l’idée de créer mon propre cabinet.

A cette époque, on commençait à parler beaucoup de l’importance pour les cabinets d’expertise comptable de se transformer, de prendre le virage du numérique. Je me suis rendue compte que c’était la même chose pour les TPE et les PME : beaucoup fonctionnent encore « à l’ancienne », ne tirent pas encore assez profit de toutes les possibilités offertes par le digital, et risquent de ce fait de perdre rapidement en compétitivité. Mais souvent, les dirigeants ne savent pas par où commencer, ils ont déjà tellement la tête dans le guidon. Et notre rôle en tant qu’expert-comptable, c’est justement de les aider à prendre de la hauteur, de leur donner des outils pour améliorer leurs performances et piloter leurs données.

En quoi l’expert-comptable est-il légitime pour accompagner la transformation numérique des entreprises ? N’est-ce pas plutôt le rôle d’un DSI ?

En tant qu’expert-comptable, on a une vision très globale et transversale des entreprises qu’on accompagne. On connaît le système d’information, les process, on sait où sont les failles, les dysfonctionnements... On est aussi au fait des enjeux du secteur, des risques et des opportunités. On est donc bien placé pour proposer des optimisations aussi bien en matière de conformité des systèmes d’information, de RGPD, de cybersécurité, d’analyse des données, d’audit des process… , toujours en faisant le lien entre les différents services, la comptabilité, les équipes SI, le contrôle interne…  

Comment s’organise votre quotidien ?

Désormais, je dirige 3 entreprises différentes. En plus de mon cabinet dédié aux enjeux stratégiques et numériques, j’ai aussi créé une société de conseil en blockchain et cryptoactifs, ainsi qu’une plateforme, qui permet aux détenteurs de crypto-monnaies de comptabiliser les actifs numériques de manière sécurisée, simplifie le calcul de la plus-value imposable. Avec mes associés, nous sommes convaincus que les bitcoins et autres cryptomonnaies ont beaucoup d’avenir et que c’est le rôle des experts-comptables de sensibiliser leurs clients à cet enjeu.

Enfin, forte de cette expérience assez atypique dans la profession, je donne régulièrement des formations, à destination des experts-comptables, ou des entreprises.

A vous entendre, on se dit qu’il faut être un peu geek pour être expert-comptable ?

Ce n’est pas obligatoire bien sûr, et il y a encore beaucoup de place à prendre pour ceux qui préfèrent une activité traditionnelle. Mais pour les digitale natives, qui aiment défricher et jouer avec le numérique, le métier d’expert-comptable offre encore d’infinies possibilités !